Je l’ai découvert il y a 20 ans, je ne m’en suis pas lassée. J’ai beau le voir presque chaque jour, il m’époustoufle toujours autant. Bien sûr d’autres panoramas sont plus spectaculaires mais j’ai développé pour celui-ci une espèce d’affection possessive, engendrée peut-être par sa proximité, par la certitude de le retrouver immanquablement. Et lorsque l’automne il revêt sa symphonie de couleurs, l’effet est encore plus saisissant. C’est donc en cette saison que j’éprouve le plus de plaisir, que dire, de fierté à le faire découvrir, comme si je pouvais en revendiquer un quelconque mérite.

Je propose donc à l’amie en visite : On fait une marche? et je l’entraîne vers la route du Lac que nous empruntons direction nord où elle prendra le nom de Marichon (la route, pas l’amie). Mon paysage est de ceux qui se méritent. Il faut, avant de le voir et même de le soupçonner, gravir une bonne côte qui vous travaille le rythme cardiaque, surtout si vous ne pouvez vous empêcher de placoter en chemin. Placotage que, le sommet atteint, je ne me prive pas d’interrompre d’un orgueilleux tadam! accompagné d’un triomphal geste du bras. Et la voici, cette vue qui depuis 20 ans me ravit et ne manque jamais d’impressionner quiconque a la chance de l’admirer.

La route déboule tout d’abord entre les arbres aux coloris exubérants pour ensuite fendre les terres agricoles. Celles-ci, pour ne pas être en reste, affichent des camaïeux d’ors et de verts jusqu’aux abords de l’autoroute bordée de conifères. En fond d’écran, le fleuve s’impose, ponctué du pilier de pierre et son phare, point d’exclamation dans cette splendeur. Charlevoix dresse ses montagnes, elles aussi colorées par cette saison aux mille feux.

Ces feux d’artifice de la nature, qui reviennent année après année au gré du cycle des saisons, sans jamais éprouver la lassitude du déjà vu je les regarde, que dis-je je les goûte, comme si c’était la première fois… ou la dernière.