Mon texte arrive juste à temps, avant que plusieurs ne s’empressent de les récupérer pour les faire brûler ou les offrir en pâture aux bennes à ordures, augmentant ainsi le volume des déchets municipaux. Quelle que soit la méthode utilisée, on leur fait leur affaire, aux terribles et très dérangeantes feuilles tombées au combat automnal.

« Ah ! les maudites feuilles, ça sert à rien et pis on n’a toujours trop de t’ça ! » Ainsi me parlait un interlocuteur qui, l’automne venu, transpirait de toutes ses pores son mal aux feuilles. Il n’avait nullement l’idée de planter des feuillus, mais aurait davantage imploré un génie de les effeuiller tous. Les feuilles, entendant de tels propos, en tremblaient sans doute de toutes leurs parties, même les plus intimes.

Se rappelant que la feuille qui roule n’amasse pas mousse et s’inspirant possiblement de ma pratique, la Ville de Lausanne, tout comme d’autres communes de France, les laisse se dégrader là où elles tombent lorsque c’est possible, car le sol et les arbres en profitent. La preuve nous est donnée par la forêt : pas de feuilles accumulées au sol qui nous empêcheraient d’avancer. À moins qu’année après année, des lutins récupérateurs de feuilles les fassent disparaître pour nous éviter ainsi, lors des promenades, de nous y enfarger et de tomber à pleine feuilles.

Inspiration des poètes, petites douceurs pour les insectes, friandise appréciée du compost, douillette recherchée du paillage, purificateur d’air et ombrelle pour l’oisiveté de la saison chaude, diète nutritive équilibrée pour les sols, or à portée de toutes les bourses, base d’épicerie des horticulteurs, tels sont quelques bienfaits des feuilles… mortes ou vives !

Rappelons-nous enfin, les aimant ou non, que l’amour ne tient pas qu’à une feuille et, les voyant s’accumuler avec ou sans humour, c’est toujours avec humus qu’elles le font.

Serge Picard