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Histoire du lac Trois-Saumons - Premiers chalets
par Journal L'Attisée le 2019-07-10


Histoire du lac Trois-Saumons

Premiers chalets


Monsieur Dionne avait nommé son chalet Saint-Jean-Baptiste ; c’est dans celui-ci que la première messe a été célébrée au lac par le vicaire de L’Islet, l’abbé Lucien Leclerc, le 24 juin 1910. L’année suivante, trois messes sont célébrées dans le même chalet les 26 juin, 23 et 30 juillet ; les célébrants étaient respectivement Lucien Leclerc, Maximilien Gendron et Irenée Fortin. En 1912, la chapelle Saint-Jean-Baptiste est érigée au cœur des premiers chalets et l’abbé Georges Côté, vicaire à Saint-Roch de Québec, y célèbre la première messe le 14 juillet 19121. Il y avait donc, dès cette époque, une affluence suffisante pour justifier la construction d’une chapelle.


Le capitaine Joseph-Elzéar Bernier construit un chalet sur la pointe ouest de l’île Saint-Pierre vers 19062. En 1914, il acquiert une partie du lot 43 sur la rive nord du lac3. Il initie sa fille adoptive, Elmina Caron, et ses quatre enfants au lac dès le début du vingtième siècle. En 1921, il lui cède son chalet en copropriété avec deux de ses sœurs4. Elmina fait inlassablement la périlleuse traversée entre la rive et l’île pendant de nombreuses années. Au crépuscule de sa vie, on lui aménage le chalet Quelques-Heures sur le lot 40 face à l’île. On croyait qu’elle n’en profiterait pas bien longtemps, d’où le nom du chalet, mais elle vécut jusqu’à l’âge respectable de 97 ans. En sécurité sur la rive, elle continue de visiter sa famille qui s’occupe désormais de l’amener à bon port5.


Chalet d’Elmina Caron-Kirouac (MMV)6


Le bois pour la construction des chalets était amené en sleigh en hiver ; il était souvent coupé aux alentours du lac et les constructions se faisaient au printemps7. Mais combien de chalets y avait-il au début du vingtième siècle ; les notes de la famille Cloutier nous révèlent qu’il n’y en avait pas plus d’une douzaine en 1916. Ces chalets étaient la propriété de notables pour la plupart et il y avait une forte affluence de visiteurs à chacun d’eux, tel que cela est mentionné dans les cahiers du club de pêche de Notre-Dame-de-Bonsecours.8


Au tournant des années 1920, les villégiateurs se font plus nombreux et les transactions foncières se concentrent principalement sur huit lots : les 326, 331 et 335 du quatrième rang de la seigneurie du Port-Joly, les 40 à 43 du premier rang du canton Fournier et le 137 du second rang du canton Fournier. Émile Cloutier de L’Islet-sur-Mer achète, morcelle et revend plusieurs de ces lots. Vers 1930, il organise une corvée et construit un premier chalet au sud du lac sur le lot 38 du premier rang du canton Fournier. Il récidive quelques années plus tard et érige un second chalet au nord du lac dans les environs du lot 335 du quatrième rang de la Seigneurie Port-Joly ; il s’installe à cet endroit qui devient plus tard le point névralgique du lac.9


Le 6 septembre 1922, le manufacturier de chaussures Joseph-Étienne Samson, de Québec, fait l’acquisition d’un chalet pour 600 $ à la suite de la faillite de Harry-A. Paquette de Lévis. Le 24 octobre 1924, monsieur Samson agrandit sa propriété en faisant l’acquisition d’une partie des lots 42 et 43 d’Aurélie Jean, veuve de Joseph St-Pierre10. Le 27 novembre 1929, Patrick Mooney, de Québec, achète une parcelle du lot 41 de Barthélémy Deschênes.11 Le 20 novembre 1930, le député fédéral du comté de L’Islet, Joseph-Fernand Fafard, achète une section du lot 43 d’Émile Cloutier12. Le 29 août 1931, Joseph-Gérard Verreault, notaire de Québec, acquiert une partie du lot 41 d’Émile Deschênes et d’Émile Cloutier le 2 septembre suivant13. Le 20 mai 1935, le manufacturier Nilus Leclerc de L’Islet-Station, acquiert une parcelle du lot 331 d’Émile Cloutier14 ; un chalet ou camp y aurait été construit plusieurs années auparavant car monsieur Leclerc fréquentait le lac depuis un certain temps15. Les premiers chalets étaient souvent construits très près du bord de l’eau et leurs quais et terrasses se faisaient malmener par les glaces ; il fallait procéder à des réparations presque à toutes les années.


À compter des années 1930, de nouveaux chalets surgissent dans le secteur nord-ouest (secteur de La Coupe) ainsi qu’à la décharge du lac ; quant au secteur sud-ouest (autour de la chapelle Saint-Jean-Baptiste), il progresse très peu faute de route pour s’y rendre. Les gens des deux extrémités du lac n’ont pratiquement pas de contact et ils se connaissent peu. Ils sont loin les uns des autres ; il n’y a pas de chemin entre les deux secteurs et ils proviennent de milieux différents. Les villégiateurs de la zone ouest sont alliés aux familles des docteurs Joseph et Norbert Cloutier ainsi qu’à la veuve Elmina Caron-Bourget-Kirouac. Ils sont soit de proches parents ou des connaissances et, ils proviennent généralement de familles aisées des régions de L’Islet, Cap-Saint-Ignace, Lévis et de Québec. Les gens qui s’installent à la décharge du lac sont moins fortunés et proviennent généralement de Saint-Jean-Port-Joli, de Saint-Aubert et d’autres paroisses avoisinantes. La plupart des propriétaires de chalets fréquentent le lac depuis fort longtemps et ce bien avant l’acquisition de leur propriété ; on retrouve leurs noms à de nombreuses reprises dans les journaux des camps et dans la presse ancienne.


Certaines familles s’établissent en si grand nombre dans un secteur qu’on finit par nommer l’endroit par leurs noms. C’est le cas de l’anse Leclerc qui a été colonisée par Nilus Leclerc et plusieurs de ses enfants16. Les Robichaud font de même quelques années plus tard et donnent leur nom à un chemin. Les Cloutier ne sont pas en reste et ils nomment boulevard Cloutier la route menant au secteur ouest du lac ; cette appellation n’a toutefois pas survécu contrairement aux deux autres.


À partir des années 1940, l’attrait du lac Trois-Saumons est indéniable et les nouveaux venus sont de plus en plus nombreux. On note alors une explosion des transactions immobilières et certains, comme Émile Cloutier, se font promoteurs afin de développer le lac17. Le nombre de transactions de monsieur Cloutier est tellement impressionnant que certains disaient qu’il possédait la moitié des terrains au lac. Au milieu des années 1950, les secteurs sud et centre nord du lac demeurent relativement déserts faute de route pour s’y rendre. Du côté ouest, il n’y a pratiquement pas de chalet dépassé la pointe est de l’île Saint-Pierre. Le secteur des Pelles, dont il n’a pas encore été beaucoup question, se développe bien et le besoin d’une route pour accéder à de nouveaux terrains se fait de plus en plus pressant. Certains chalets de cette zone remontent à une époque aussi lointaine que ceux du secteur ouest. Les gens des deux secteurs ne se connaissent pratiquement pas et certains préjugés prévalent par pure ignorance ; les commentaires parfois acerbes n’aident en rien la connaissance des uns et des autres. Les quelques occasions de rencontre des deux groupes se limitent souvent à la chapelle Saint-Jean-Baptiste lors de la messe.


Notes : Premiers chalets au Lac Trois-Saumons

1 Paul Bélanger, Cent ans au cœur du lac – Centenaire de la chapelle Saint-Jean-Baptiste du lac Trois-Saumons, Cap-St-Ignace, La Plume d’Oie, 2012, p. 16-17.

2 Marjolaine St-Pierre, op. cit., p. 336. L’année de construction serait plutôt 1910 selon d’autres sources. Lorsque la fille adoptive du capitaine Bernier a pris possession du chalet en 1921, elle l’a renommé Villa des Échos. 

3 Greffe de Me Henri Boisvert, Vente de Joseph St-Pierre à Elzéar Bernier, minutes 1160, 25 mai 1914. 

4 Informations complémentaires fournies par Anne Normandeau lors d’une conversation téléphonique le 18 janvier 2019. 

5 Michelle Audet, Témoignage, Musée de la mémoire vivante, Berthier-sur-Mer, 14 août 2007.

6 Courtoisie du Musée de la mémoire vivante. 

7 Informations fournies par Guy Lafond en entrevue le 18 août 2018. 

8 Livre premier du journal relatant les excursions des membres du Club Notre Dame de Bonsecours au Lac des Trois Saumons et de leurs amis, op. cit., 95 p. 

9 Registre foncier du Québec, Registre des mentions, le nom d’Émile Cloutier figure sur la majeure partie des lots du secteur ouest du lac Trois-Saumons. 

10 Registre foncier du Québec, Vente d’Aurélie Jean à Joseph-Étienne Samson, index des immeubles pour le lot 42 du premier rang du canton Fournier, no enregistrement 49606, 22 octobre 1924. 

11 Registre foncier du Québec, Vente de Barthélémy Deschênes à Patrick Mooney, index des immeubles pour le lot 41 du premier rang du canton Fournier, no enregistrement 53024, 27 novembre 1929. 

12 Registre foncier du Québec, Vente d’Émile Cloutier à Joseph-Fernand Fafard, no enregistrement 53596, 20 novembre 1930. 

13 Registre foncier du Québec, Vente d’Émile Deschênes à Joseph-Gérard Verreault, index des immeubles pour le lot 41 du premier rang du canton Fournier, no enregistrement 54022, 29 août 1931 et Vente d’Émile Cloutier à Joseph-Gérard Verreault, no enregistrement 54026, 2 septembre 1931. 

14 Registre foncier du Québec, Vente d’Émile Cloutier à Nilus Leclerc, index des immeubles pour le lot 331 du quatrième rang de la seigneurie Port-Joly, no enregistrement 55671, 20 mai 1931. 

15 Informations fournies par Francine Leclerc, petite-fille de Nilus, en entrevue le 10 février 2018. 

16 Informations fournies par Francine Leclerc, petite-fille de Nilus, en entrevue le 10 février 2018. 

17 Registre foncier du Québec, le nom d’Émile Cloutier apparaît à de nombreuses reprises dans les transactions foncières autour du lac. Certains de ses parents sont aussi assez actifs mais dans une moindre mesure.



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