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Un petit homme à Noël
par Journal L'Attisée le 2019-12-23


Tout petit. Doux comme du velours. Beau comme le Jésus dans la crèche placée récemment dans l’église. (Noël est à la porte.) Ses petits yeux à peine ouverts éblouis par une clarté soudaine, distinguent une silhouette, celle de sa maman qui chantonne amoureusement Petit papa Noël n’oublie pas son petit soulier. Puis un son grave le fait sursauter : « Tu t’appelleras Gabriel mon petit homme, comme l’archange qui a visité la Vierge Marie ». Bébé ne sait pas encore les trucs qu’il faut pour répondre à un papa. Nommé par le Ciel, l’angelot gardien arrivé dès son premier cri lui fait aussitôt pratiquer de mignonnes risettes. Ça y est, les parents en admiration tombent sur le dos ; c’est certain, leur enfant sera le plus intelligent du monde.


Témoin de la scène par son intrusion à pleines fenêtres dans l’heureuse maison, le soleil d’hiver veut sa part des plus belles fêtes de l’année. En guise de ses meilleurs vœux, il réchauffe tant ses rayons que l’exceptionnelle période d’amour jouit de conditions météorologiques favorables à la parenté invitée pour fraterniser au réveillon et surtout pour chouchouter la petite merveille. À sa manière, notre petit homme aussi participe. Il n’a pas appris que des risettes ; il gigote, pioche, pédale comme un cycliste et il sait pleurer à en réveiller les voisins. Un futur Pavarotti, quoi! Les bons parents apprennent au fur et à mesure les règles d’une bonne éducation et transmettent à l’enfant les principes qui feront de lui un grand homme. Ainsi la petite histoire familiale invente leur vie. Maman l’immortalise dans un précieux carnet. Le petit homme grandit. Déjà l’école ébrèche le confort du nid douillet et impose un temps d’émotions différentes. Des bonheurs, oui. Pas toujours…


Un matin sombre, les yeux embrouillés de sommeil aperçoivent maman dans les bras d’un homme costumé bizarrement : sac au dos, béret bleuté, bottes grossières. C’est papa qui fait un salut comme les soldats dans les films visionnés par papi en catimini pour soustraire à ceux qu’il aime les horreurs qu’il a jadis vécues lui-même. Maman pleure incapable de camoufler le flot de larmes à son bambin. Rapidement, l’homme-soldat part sans un regard sur l’enfant. Il craint de flancher… Chargé d’une mission de paix pour un temps indéterminé, sa bravoure pleine d’espoir en la Providence est son arme. Cependant, les nouvelles télévisées parlent trop de combats violents sans la moindre relâche pour espérer un congé éventuel.


Un jour, dans l’attente d’un retour possible, un autre visiteur costumé sévèrement à la casquette proéminente fait encore pleurer sa maman. Elle tombe à la renverse sur le banc du vestibule en retenant ses cris de douleur. Le trop jeune petit homme capte le message comme dans un cauchemar et comprend à l’instant ce qu’est le rôle d’un chef présent ainsi torpillé par l’incompréhensible frayeur « il doit désormais être l’homme de la maison ». À l’école l’autre jour, madame Thérèse n’a-t-elle pas dit : « Il ne faut jamais faire pleurer les mamans. On en a qu’une pour toute notre vie. Jamais une autre maman ne peut la remplacer. Il faut la protéger pour qu’elle vive heureuse longtemps ».


Les bons principes appris depuis son enfance ont suivi son chemin. À ses yeux d’adulte, les cheveux blancs de sa chère mère la gardent si belle. À son tour, notre homme a connu l’amour. « Grand-maman » profite du jour de l’An pour le visiter et donner un coup de main à la jeune épouse car la cigogne amorce les manœuvres laborieuses de l’atterrissage. À son rythme plus lent, elle efface les traces des récentes réjouissances avec l’aide quelque peu nuisible de son fils maladroit à cause des vapeurs d’une fièvre… paternelle.


Depuis plus de 4 000 ans, l’étoile brillante guide la marche des Rois vers Bethléem. Gardienne de la tradition, la bonne visiteuse place Gaspar, Melchior et Balthazar à l’entrée de la crèche. Elle dissimule une fève et le petit pois dans la pâte de la galette pendant que la jeune maman fredonne Mon Dieu bénissez la nouvelle année, rendez heureux mes parents, mon petit. Gabriel lui a donné un petit homme.



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