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Énigmes généalogiques
par Journal L'Attisée le 2020-05-11


La recherche de nos ancêtres est une passion qui habite plusieurs d’entre nous. Si cette soif de savoir s’avère assez facile pour la plupart d’entre nous ; elle peut s’avérer un mur quasi infranchissable pour d’autres. Même si l’on croit avoir tout trouvé, il arrive que des documents réputés fiables ne le soient pas autant qu’on pourrait le penser. Un jour, une personne a mis en doute toutes mes trouvailles en affirmant que le seul ancêtre certain est la mère qui enfante. Cette déclaration m’a fait réfléchir et m’a incité à être plus rigoureux dans mes recherches. Lors d’une filiation, on recherche d’abord les mariages mais beaucoup de personnes omettent de vérifier les naissances. Les actes de baptêmes sont généralement une source assez sûre d’informations sur les parents mais il y a parfois des erreurs volontaires (illégitime –> infidélité, viol, inceste, amour d’un soir, etc) ou involontaires (adoption, enfant baptisé sous un autre nom, etc). Il arrive aussi que certains renseignements aient été perdus pour diverses raisons : incendies, inondations, pages de registres manquantes, inscriptions oubliées, émigrants n’ayant pas fourni d’informations, etc. Nous allons maintenant aborder un cas bien réel qui s’est produit dans notre région en 1859.


Le cas Caron-Gagnon

Figure 1- Jean-Baptiste Caron-Gagnon et Marcelline Dupont1


Le 18 avril 1859, les registres de Sainte-Louise nous révèlent le baptême de Jean-Baptiste né la veille de parents inconnus. Ses parrain et marraine sont Pierre Chouinard et Angélique Gagné ; cette information n’est pas très utile pour identifier ses parents naturels. Au recensement de 1861, on retrouve un certain Jean-Baptiste Caron vivant avec la famille de Charles Caron et de Josephte St-Pierre. Au recensement de 1871, on retrouve encore un Jean-Baptiste Caron vivant dans la même famille2. Il pourrait s’agir de l’enfant illégitime né en 1859 ; l’âge concorde mais son prénom est beaucoup trop commun pour en tirer des conclusions hâtives. Entre-temps, François Gagnon, fils de Firmin et de Victoire Morneau et veuf d’Anastasie Kirouac, décédée en février 1865, se remarie le 16 novembre de la même année à Sainte-Louise avec Priscille Caron, fille de Charles et de Josephte St-Pierre. Le couple fait l’acquisition des lots 192 et 193 du sixième rang du canton Ashford le 8 mai 1879 et prévoit y habiter à la Toussaint ; il y a déjà des bâtiments érigés à cet endroit4. Les terrains sont situés sur le haut de la grande côte qui permet d’apercevoir le rang Pinguet et qui donne un point de vue sur le fleuve Saint-Laurent. La maison sus construite deviendra la résidence ancestrale de la famille Gagnon de Saint-Damase5.

Figure 2- Maison ancestrale des Gagnon de Saint-Damase3


Le 8 septembre 1879, Jean-Baptiste Caron du canton Ashford, épouse Marcelline Dupont, fille de François et de Zoé Ouellet, à Sainte-Louise. En 1881, on trouve ce couple vivant avec la famille de François Gagnon et de Priscille Caron. Les naissances s’enchaînent d’année en année à partir de 1880 avec une surprise de taille en 1888 ; voici la liste des enfants du couple Dupont-Caron-Gagnon6 :

Figure 3- Famille de Jean-Baptiste Gagnon (Ti-Batis) et de Marie Ouellet, de gauche à droite : Rosanna, Marie, Euclide, Yvonne, Bertha et Jean-Baptiste11


  1. Jean-Baptiste Caron n. 25-06-1880 St-Damase et b. 27 Ste-Louise (parrain et marraine : François Gagnon + Priscille Caron) ; marié à Marie Ouellet (Elzéar + Philomène Morin) 29-09-1903 St-Damase ; d. 7-04-1935 et s. 9 idem.
  2. Joseph Arsène Olivier Caron n. 17-02-1882 St-Damase et b. 18 Ste-Louise (parrain et marraine : Pierre Ouellet + Justine Bard) ; d. 28-08-1882 et s. 29 Ste-Louise.
  3. Joseph Charles-François Caron n. 10-04-1883 St-Damase et b. 21 Ste-Louise (parrain et marraine : William Ouellet + Léocadie Lévesque) ; marié à Léonie Dubé (Israël + Obéline Sirois) 5-04-1909 St-Damase ; d. 3-02-1961 Tourville et s. 7 St-Damase.
  4. Joseph Michel Ulric Caron n. 16-02-1885 St-Damase et b. 17 Ste-Louise ; marié à Joséphine Pelletier (Israël + Marie-Éléonore Chamard) 30-06-1908 St-Damase ; d. 23-11-1955 et s. 26 idem.
  5. Marie Marcelline Bernadette Caron n. 14-06-1886 St-Damase et b. 17 Ste-Louise ; mariée à Érasme Caron (Joseph + Agnès Pellerin) 16-04-1912 idem ; d. 24-07-1961 Arvida.
  6. Auguste Ernest Gagnon n. 16-04-1888 St-Damase et b. 19 Ste-Louise ; marié à Marie Fortin (Léon + Démérise Pelletier) 17-07-1911 Ste-Louise ; d. 3-06-1952 et s. 6 St-Damase.
  7. Joseph Odule Gagnon n. 18-02-1890 et b. 19 St-Damase ; d. 14-04-1890 et s. 15 idem.
  8. Louis Philippe Joseph Gagnon n. et b. 3-03-1891 St-Damase ; d. 3-03-1914 et s. 5 idem.
  9. Marie Marcelline Édith Gagnon n. 4-05-1893 et b. 6 St-Damase ; mariée à Joseph Fortin (Léon + Démérise Pelletier) 13-02-1912 idem ; d. 5-03-1969 et s. 8 Ste-Louise.
  10. Philias Cyprien Gagnon n. 14-09-1895 et b. 15 St-Damase ; marié à Eugénie Pellerin (Auguste + Philomène Bernier) 16-07-1917 idem ; d. 29-03-1966 Tourville et s. 1-04 St-Damase.
  11. Marie Alexina Éva Gagnon n. 9-06-1897 et b. 10 St-Damase ; mariée à Alphonse Fortin (Vénérand + Césarie Chouinard) 29-09-1914 idem ; d. 9-07-1976 et s. 12 St-Aubert.
  12. Joseph Adrien Gagnon n. 17-01-1900 et b. 20 St-Damase ; marié à Marie-Ange Dubé (Louis + Caroline Dubé) 26-04-1921 idem ; d. 8-11-1971 et s. 11 idem.


Qu’est-ce qui explique le changement de nom en 1888? Selon la tradition orale circulant dans la famille, François Gagnon aurait reconnu sa paternité et annoncé la nouvelle à Jean-Baptiste7. Quant à la maternité de Priscille, elle ne fait pratiquement aucun doute car Jean-Baptiste l’a toujours suivi. Le recensement de 1891 aurait pu confirmer les liens familiaux mais Jean-Baptiste et Marcelline ne vivent plus avec François et Priscille ; ils sont maintenant voisins dans une annexe que Jean-Baptiste a ajoutée à sa demeure pour loger ses présumés parents8. Le patronyme Gagnon s’est perpétué dans toute la descendance jusqu’à nos jours. Plusieurs des enfants de Jean-Baptiste ont vécu à Saint-Damase ou dans les environs ; aujourd’hui, il ne reste pratiquement plus aucun descendant de cette famille dans la paroisse. La filiation entre Jean-Baptiste Caron-Gagnon et François Gagnon n’a toujours pas été prouvée mais des tests génétiques sont en cours pour révéler les faits.


Plusieurs compagnies (AncestryDNA, Family Tree DNA, Gene by Gene, MyHeritage, etc) offrent maintenant la possibilité d’effectuer des tests génétiques pour débusquer vos ancêtres et vérifier si vos recherches documentaires concordent avec votre ADN. Le test autosomique permet de vérifier la probabilité de parenté avec des parents proches (parents, grands-parents et cousins). Ce test n’est pas très populaire car la probabilité de concordance décroît à chaque fois qu’on remonte d’une génération. Il est très utile pour identifier les individus porteurs de certaines maladies héréditaires et peut identifier les migrants qui les introduisent dans une population (ex : la dystrophie musculaire oculopraryngée dans Montmagny-L’Islet)9. Le test ADN-Y permet de faire sa généalogie agnatique (ou de fils en père). Il est basé sur la transmission du chromosome Y qui est transmis de père en fils. Le test est très populaire et permet de remonter jusqu’à 500 ans. Le test ADNmt permet de faire sa généalogie utérine ou d’enfant à mère et par la suite de mère à grand-mère et ainsi de suite. Il repose sur la transmission de mitochondries qui ne sont exclusivement transmis que par la mère. Le test est relativement fiable jusqu’à 1000 ans et de plus en plus de gens y ont recours10.


Les tests énumérés ci-dessus sont relativement dispendieux et ne permettent pas toujours de trouver réponse à vos questions généalogiques. Il faut d’abord qu’un nombre assez important de personnes ayant un patrimoine génétique semblable au vôtre aient passé le test. Il faut aussi choisir un nombre suffisant de marqueurs (12, 25, 37, 111 ou 700) pour obtenir de bonnes probabilités de concordance. Les tests génétiques ce n’est pas pour tout le monde car il se peut que vous trouviez des informations qui ne fassent pas votre affaire (ex : vous n’appartenez pas à la famille à laquelle vous croyez, des gènes inquiétants vous sont révélés, etc). Le perfectionnement des tests génétiques permet de retrouver de plus en plus ses racines mais comportent un risque de fuite d’informations personnelles. Jean-Baptiste Caron-Gagnon est-il véritablement le fils de François Gagnon ; c’est à suivre mais la conclusion semble déjà prévisible!!!


Notes :

  1. Courtoisie de Gilles Gagnon, archives privées.
  2. Bibliothèque et Archives Canada, recensements de Sainte Louise de 1861 et 1871.
  3. Courtoisie de Gilles Gagnon, archives privées.
  4. Me Pierre-Thémistocle Dupont, Vente de Fabien Gamache à François Gagnon, minute 4856, 8 mai 1879.
  5. Gilles Gagnon, Les familles Gagnon-Les familles Belzile, L’Attisée, vol 32, no 6, juin 2015.
  6. Informations extraites des registres des paroisses de Saint-Damase et Sainte-Louise.
  7. Jean-Paul Gagnon, Généalogie – Descendants de Jean Gagnon – Naissances, mariages et décès 1620-1999, tome IV, 1999, p. iv.
  8. Propos rapportés par Gilles Gagnon lors d’entrevues effectuées en 1994 avec Arsène Gagnon et son fils Raymond qui habitaient la maison ancestrale. François et Priscille s’étaient donnés à Jean-Baptiste qui, en retour, s’était engagé à les loger par acte notarié.
  9. Marcel Fournier, Retracez vos ancêtres – Guide pratique de généalogie, Les éditions de l’Homme, Longueuil, 2009, p. 294.
  10. Wikipedia, Généalogie génétique, informations tirées du site Internet : https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9n%C3%A9alogie_g%C3%A9n%C3%A9 le 9 février 2020.
  11. Courtoisie de Gilles Gagnon, archives privées.

Par Sylvain Lord avec la participation de Gilles Gagnon



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