Au bonheur des oiseaux
par Journal L'Attisée le 2020-08-27
Cet été qui s’achève ne fut décidément pas comme les autres, à l’aune du printemps qui, n’en pouvant plus des incessants bouleversements, lui avait de bonne grâce cédé sa place. Aux consignes sévères de mars et avril avaient peu à peu succédé, dès mai, des allègements bienvenus. Pouvait-on, pour autant, reprendre ce que désormais on appelait la vie d’avant? Que nenni. Il fallut s’habituer à intégrer dans notre quotidien, pour longtemps, les façons de faire apprivoisées durant les derniers mois. Les visites et les contacts étant limités, on a dû apprendre à goûter davantage son chez-soi, lui découvrir, qui sait, des qualités insoupçonnées.
Depuis très longtemps, l’observation des oiseaux m’intéresse, ayant eu la chance de vivre en des endroits fréquentés par de nombreuses espèces. De plus, les lieux où j’ai vécu offrant des habitats variés, les espèces présentes n’étaient pas toutes les mêmes. Notre été de semi-confinement m’a incitée à porter davantage attention à la faune ailée qui avait élu domicile dans nos parages. Il m’était arrivé à quelques reprises au fil des ans de découvrir chez moi un nid d’Orioles de Baltimore. Cette année j’ai été comblée : ils ont construit leur demeure dans un érable, juste devant une fenêtre à l’étage. Le nid de ces oiseaux est une véritable œuvre d’art. C’est une pochette littéralement tissée (brindilles, cordes et fils, et même crin de cheval la composent) solidement suspendue à une branche. Elle s’y balance au gré des vents en faisant preuve d’une étonnante solidité. Grâce à sa position stratégique j’ai pu observer à ma guise les va-et-vient des locataires. D’autres va-et-vient ont aussi attiré mon attention : des Parulines jaunes visitaient assidûment un rosier arbustif jouxtant mon balcon. Leur nid a bientôt accueilli des œufs minuscules d’où ont jailli des becs affamés. Malheureusement, deux jours après l’éclosion les oisillons sont disparus. Ils n’avaient évidemment pas atteint le développe
ment nécessaire à leur autonomie. Victimes d’un prédateur sans doute, dure loi de la nature. Des Bruants familiers ayant squatté un autre arbuste ont eu plus de chance. Tout juste 9 jours après l’éclosion, j’ai assisté à la sortie de leur progéniture qui s’est tout d’abord perchée non loin du nid familial afin de prendre ses marques avant l’envol.
Et que dire du plaisir que m’ont procuré les nombreux baigneurs qui ont profité de la vasque installée près de la maison. À ma connaissance, une quinzaine d’espèces s’y sont succédé. Si certaines se contentent d’y boire (Chardonneret jaune, Pic flamboyant, Tyran tritri) plusieurs y pataugent allègrement (Étourneau sansonnet, Merle d’Amérique, Merlebleu de l’Est). De véritables chorégraphies et acrobaties s’y sont déroulées. Plusieurs oiseaux y cohabitent de bon gré mais certains refusent obstinément de partager les lieux avec d’autres que leurs congénères. Ils houspillent les intrus et les chassent pour avoir le monopole de la piscine. Quoi qu’il en soit, le spectacle est fort divertissant.
Vous comprendrez donc que mes voisins ailés ont grandement contribué à égayer mon été, cet été vraiment pas comme les autres. On connaît Au Bonheur des Dames, d’Émile Zola, Au bonheur des ogres de Daniel Pennac, Au bonheur des chiens de Remo Forlani. À cette nomenclature je me permets d’ajouter Au bonheur des oiseaux.