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L’ancien temps se raconte
par Journal L'Attisée le 2020-11-02

Nos parents utilisaient souvent l’expression dans l’ancien temps plutôt que le mot autrefois pour relater certains faits de leur jeune âge. Leur passé est un livre d’histoire dont la continuité sera notre propre œuvre.

Le temps a fui pour devenir une source de souvenirs appelée l’ancien temps. Nos parents nous l’ont déjà démontré par le récit de leurs anecdotes parfois incroyables « les déplacements d’hiver en barlot, la crainte des feux follets, les veillées au corps, la mi-carême, les quêteux et tant d’autres ». Ensevelis sous leurs milliers de calendriers, ces souvenirs racontent l’histoire de… notre histoire et savent dire les vérités, rappeler les grands rires ou les larmes et réveiller les oublis des petites et des grandes joies.

En abordant de nouvelles années emberlificotées de techniques intelligentes et de mystères virtuels, le temps plus proche de nous devient vite loin des plus jeunes « l’Expo 67, nos jeux Olympiques, les 1ers pas sur la lune et plus proche de nous, l’effet théâtral du célèbre Jeu sacré de la passion et la date tragique du 13 novembre 1950 qui rappelle le désastre du mont Obiou. » Ce drame a fauché la vie à une cinquantaine de Québécois au retour de leur pèlerinage à Rome. Quand arriveront d’autres décennies, seules les pages d’un livre d’histoire n’auront pas oublié tous ces événements.


L'abbé William Vachon


Hommage à l’abbé William Vachon.

Lendemain du 13 novembre : réveil fatidique. Pour la population de Saint-Aubert bien ancrée dans la piété d’une Année sainte, le désarroi avait pris l’allure d’un cauchemar. Trois des leurs, trois mots : « ils sont tombés ». Un choc, un refus de croire, la consternation. Son vicaire : 20 ans d’un visage de bonté, d’accueil paternel, de confiance inconditionnelle, de présence bienfaisante auprès de tous en toute occasion, de contact facile marqué de tant de dévouement pour la jeunesse dont il est le photographe assidu à chacune des activités scolaires. Visage sérieux, il aimait les taquineries. Les paroissiens saisissent alors l’occasion de prouver leur reconnaissance en proposant le voyage à leur vicaire aimé. L’abbé Vachon n’est pas sorteux, oh, non! Il hésite. L’autre bout du monde? Fatima, Lourdes, Lisieux? Bateau, avion? L’inconnu? Voir Rome? Voir le pape? C’en était trop pour celui qui se contentait de si peu. Refuser, accepter : une montagne à ses yeux… sombre allusion au sort qu’il subira. Un couple ami décide de l’accompagner. Vendredi, 13 octobre. Il s’embarque se promettant de garnir son journal de voyage pour tout raconter au… retour. Quelle surcharge de cérémonies émotionnelles, presque irréelles entre son baptême de la mer et des airs! (superstition… entre les deux13)

Lundi, 13 novembre, le retour. Il prend place dans le DC4 avec ses médailles, ses bénédictions papales, sa fatigue et plus encore, sa hâte de fouler le long perron de son presbytère en lisant paisiblement son bréviaire. L’avion est vieillot. Sur sa route déviée pour corriger un retard, les Alpes imposent leur droit de passage... Le mauvais ciel automnal, pluvieux et verglaçant de France s’acharne sur le bimoteur impuissant. Les Alpes! Merveilleuses. Orgueilleuses. Le pic du mont Obiou trop haut de presque 300 pieds. 17 heures! L’horreur était au rendez-vous. Ce prêtre, fils unique, qui n’a que sa vieille maman gardera les secrets de son carnet écrabouillé à des milliers de milles à l’ombre de la cime intransigeante. Saint-Aubert a pleuré… pourquoi? Mille fois pourquoi? Son vicaire lui appartenait depuis 20 ans. Ils se respectaient mutuellement. À cette heure de soumission à la volonté divine, sa tête dégarnie de cheveux transforme sa mince couronne en une auréole de sainteté pour introduire le bon et fidèle serviteur au ciel de la récompense. Dans son plus triste décor, la petite église n’a pu contenir tous ses fidèles accourus pour dire l’ultime adieu. 


Mont Obiou / Photo d'après le carnet de la tragédie de l'Obiou

Soixante ans plus tard, un alpiniste trouve la ferraille déchiquetée du Pèlerin canadien à flanc de montagne près du village de La Salette Fallavaux. Il fait une toilette respectueuse au petit cimetière abandonné à proximité et, dans une cérémonie empreinte de respect, y installe une statue de la Vierge qui pleure fabriquée uniquement de pièces récupérées de l’appareil vaincu, en présence de quelques Canadiens qui ont pu s’y rendre. En collaboration avec les familles éprouvées et leurs amis solidaires, un rassemblement avec célébration a été organisé à l’église Saint-Jean-Baptiste de Québec. (le curé était une victime) Pour apprendre à la population de demain cet accident aérien qualifié du plus grand désastre canadien de ce demi-siècle, le mois de novembre le conserve parmi les précieux souvenirs de son ancien temps.



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