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Lettre d’amour adressée au lac Trois-Saumons
par Journal L'Attisée le 2021-11-18

Photo : G. Daniel Caron, Lac Trois-Saumons, 6 octobre 2021


Cette lettre est pour te rappeler que l’on t’aime. Tu en doutes probablement, car nous continuons à te faire souffrir avec nos multiples travaux d’aménagements. De tes cicatrices, certaines seront permanentes et rappelleront à nos descendants les affres que l’on fait subir à notre très cher lac. Sache que nous le regrettons, que la minorité veut te marchander, mais que la majorité, elle trop silencieuse, souhaite la guérison de tes blessures et que nous décidions d’une approche globale pour que nos comportements changent pour ton mieux.

Tu nous as toujours offert tes faveurs. Tu as été présent à plusieurs étapes de nos vies ainsi qu'à celles qui nous ont précédés. Ton existence, encore aujourd’hui en ce petit matin automnal, signifie infiniment plus qu’un simple lieu agréable associé aux loisirs, à la détente ou à la résidence. Tu es un élément essentiel à l’identité de notre village, de nos familles, de nos souvenirs personnels.

Malheureusement, pour d’autres, dont les adeptes des RB&B, tu n’es qu’une source de revenus. C’est bien connu, tout peut être acheté, même notre patrimoine. La vie des lacs est éphémère et on est en train de gâcher ta jeunesse. On te fait vieillir trop vite. Déjà de nombreuses rides te sont apparues ici et là, rapidement poussées d’ailleurs. Il y a peu de temps, on n’y retrouvait que ton eau si douce. Tes reflets nous charment toujours même si tu sembles fatigué, dopé d’azote, de phosphore et d’autres cocktails des pelouses citadines. Depuis que tu as perdu la vraie nature de tes berges, tu sembles incapable de digérer toute la richesse que le sol t’apporte. Ce sont nous les riverains qui devons être les premiers à nous activer pour revitaliser ton environnement en débarrassant nos terrains de l’asphalte, des pelouses et des agressifs luminaires qui tous nuisent à ta santé. Alors, d’un côté nous devons faire preuve de retenue dans nos ambitions d’aménagements artificiels et de l’autre, il est plus que temps de faire preuve de courage, changer ton régime et te guérir de ta boulimie.

Nous désirons que nos enfants qui déjà, eux aussi, s’identifient à toi, puissent eux-mêmes te faire aimer par les leurs. Voilà le sens qu’il faut donner au nouveau règlement que la Municipalité de Saint-Aubert a adopté le 5 octobre dernier. Un règlement nous demandant de t’aimer mieux. Nous sommes reconnaissants du travail de celles et ceux qui sont derrières cette initiative locale. Mais, comme illustré dans la Fable de Jean de La Fontaine, Le meunier, son fils et l’âne, peu importe ce que nos représentants publics vont faire pour toi, il s’en trouvera toujours pour jeter la pierre. Ainsi, craignant qu’elles ne deviennent qu’un outil arbitraire de décision, car trop normatives au détriment d’être prescrites, certains doutent que les mesures annoncées fonctionneront vraimenti.

Nous sommes des milliers en amour avec toi. « Qui trop embrasse mal étreint » dit le très vieux dicton de nos ancêtres français. Alors soyons un peu moins émotifs et laissons la conclusion de cette lettre d’amour aux scientifiques des écosystèmes. « C’est l’afflux des vacanciers et des résidents autour des lacs qui représente la principale menace à leur intégrité. Le plus souvent ces tragédies ne sont le fait que de l’ignorance ou de l’inconscience. (…) Le maintien de la qualité d’un lac s’acquiert au prix d’une attention soutenue et moyennant des efforts de conservations appropriés. De tels résultats ne peuvent être atteints qu’en vertu d’une approche globale basée sur une attitude positive et fondée sur une connaissance suffisante du milieu concerné de son mode d’évolution. »ii

Nos responsables locaux font leur possible pour répondre aux pressions croissantes subies par nos lacs. Les nouvelles mesures adoptées à Saint-Aubert nous aideront probablement à mieux aimer notre patrimoine environnemental. Mais ce n’est pas facile pour les petites municipalités d’agir avec leurs ressources limitées face à des intérêts mercantiles qui prennent rapidement le dessus. Nos dirigeants locaux ont beaucoup de chats à fouetter. Les citoyens supportent leurs efforts, souvent remarquables. Maintenant, le Gouvernement du Québec ne devrait-il pas agir lui aussi? Il est grand temps que la Nation québécoise se dote d’une stratégie globale spécifiquement pour nos lacs et qu’un programme pour appuyer ces initiatives locales voit le jour. Pourtant, cela ne semble pas être considéré dans la Stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement des territoires (SNUAT) actuellement discutée et qui pourrait voir le jour l’an prochain. Le site de l’Union des municipalités du Québec (UMQ)iii indique dans le cadre de la conversation nationale sur l’aménagement de nos territoires, qu'il faut mettre l’accent sur la protection des milieux naturels. Pour y arriver, l’UMQ recommande une meilleure protection juridique des municipalités et insiste sur l’importance d’assurer le respect des règlements d’urbanisme par l’amélioration du régime de sanctions applicables.

Conclusion :
Une approche spécifique pour les lacs doit se retrouver dans la stratégie nationale.
Des mesures d’appui du Gouvernement du Québec aux municipalités concernées sont nécessaires.
Cette problématique doit être reflétée dans les plateformes politiques (CAQ, PLQ, QS, PQ) en prévision de la campagne électorale québécoise de 2022.

Le texte du nouveau règlement adopté est disponible sur le site Web la Municipalité de Saint-Aubert.
Hade, André; Nos lacs – les connaître pour mieux les protéger, Éditions FIDES, 2003.
Réf : Site Web de l’UMQ

G. Daniel Caron, Saint-Aubert



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