Cécile, « ange des tout-petits »
par Journal L'Attisée le 2022-09-04
Un demi-siècle auprès de nourrissons et de bambins a comblé la vie d’une personne d’exception vouée au bien-être des autres : Cécile, la « sur-maman ». Du berceau des nouveaux-nés aux espiègleries de petits lutins, elle a doré sa médaille d’honneur.
À Saint-Aubert, la 3e enfant d’Irenée Fortin, Cécile, naît le 4 novembre 1931. Peu après la naissance d’un 4e enfant, sa maman Ludivine Pelletier décède subitement. Sa sœur, la bonne Juliette, échange son titre de tante pour celui de maman et enrichira la famille de 9 autres rejetons. Cécile commence tôt son apprentissage de maîtresse de maison. Ses 15 printemps manifestent une maturité et un solide sens des responsabilités qui lui permettent de gagner sa vie. Un jour à grands coups d’ailes, en effectuant sa 7e livraison dans le berceau d’une petite Lise, la cigogne dirige à l’instant même la carrière de la jeune fille vers les mamans qui donnent naissance. C’est là que Cécile teste ses premières armes avec l’aide d’une parente de la nouvelle maman pour les premiers jours. Le processus des « relevailles » à l’opposé de notre temps moderne obligeait la maman à garder le lit et ne permettait pas de soulever son petit pour jouer aisément à la poupée pour au moins 10 jours. Cécile prépare les repas, voit à la propreté de la maison et du linge pour la bande de petiots et leur papa. À la fin du mois, elle quitte la famille avec un beau 20 $ dans son porte-monnaie. Des dizaines de foyers profiteront ainsi de sa compétence.
Pendant 29 ans, sa bonne renommée court non seulement à Saint-Aubert mais à Saint-Jean-Port-Joli, Saint-Eugène, L’Islet, Cap-Saint-Ignace et Montmagny où ses 92 enfants sont nés… sans douleurs. Une étincelle brille dans ses yeux quand ses souvenirs heurtent une petite talle de bébés, Sylvie, Sylvain et Simon, des triplés qui arrivent un jour dans une famille déjà bien garnie pour compléter d’un seul coup la joyeuse dizaine.
Les mamans ne prenant plus leurs bébés dans les choux du potager mais dans une pouponnière d’hôpital obligeront-elles Cécile à abandonner les enfants ? Non, si elle ne va plus à eux, ils viendront à elle. Elle se fait nourrice dans son grand logement. Tout une ribambelle de diablotins envahissent sa garderie et se succèdent pendant 21 ans. Le dénombrement est impossible. Parfois, c’est à guichet fermé : 15, c’est complet. De son doigt bionique, elle ajuste tous les violons de son petit monde : jouets, dodos, collations, biberons, couches, bobos, pipis, télé, conflits, larmes, promenades au parc et nourriture saine et bien équilibrée : « Donne ta recette à maman » réclament les petits gourmets. Quand le bon médecin la voit passer devant sa porte, il compte sa charge et ne manque pas de la taquiner lorsqu’il s’en ajoute un ou deux.
Le contact des enfants a beau la garder jeune, c’est la faute à pépère Âge d’or avec ses os rouillés qui brise le lien des bambins et leur nounou. Quelqu’un a-t-il déjà vu Cécile triste, inactive et de mauvaise humeur ? Non. À la retraite, la tristesse et la solitude n’ont pas reçu d’invitation. Le résumé de ses 91 ans de vie se fait à la blague : étant jeune, Cécile est tombée dans la potion magique d’une missionnaire communicatrice, sociable et simple. En ce 29 juillet, toutes ses frimousses privilégiées forment un énorme bouquet de roses comme prière auprès de l’Éternel.