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Bribe d'histoire - Mai 1932 - L’année des feux
par Journal L'Attisée le 2023-05-07

Par Fernand Robichaud


La crise économique frappe depuis deux ans et la tuberculose fait encore des ravages. Les feux de forêt qui sévissent depuis la fonte des neiges, ne font qu’ajouter à la morosité.


Le journal « Le Canada » de Montréal titre en première page, le 19 mai : « Des forêts brûlent, du Nouveau-Brunswick au Manitoba. Seulement au Nouveau-Brunswick, vingt-deux incendies ravagent les forêts où la situation n’a jamais été aussi grave depuis 1923 ».


Au Québec, la situation est semblable. On dénombre des feux dans toutes les régions de la province, de l’Abitibi à la Gaspésie. Le journal « Le Soleil » de Québec titre en première page de son édition du 17 mai 1932 : « Le village de Val-Alain, comté de Lotbinière, est entièrement détruit par les flammes, une quarantaine de maisons et dépendances ont brulé, trois maisons auraient été épargnées ».

Deux jours plus tard, le journal « Le Soleil » titre à nouveau en première page : « Violent incendie dans la Matapédia ; trente familles de colons sont sans abri à Ste-Marguerite de Causapscal depuis que le feu de forêt a détruit trois rangs de cette paroisse ».


Dans tous les journaux, pour quelques jours, les articles sont explicites. On y lit : « Les flammes poussées par un vent fort auraient ranimé des feux » ; « Le manque de pluie est désespérant » ; « La circulation en forêt est défendue ». On rapporte une température de 88,7 F à l’ombre à Québec le 16 mai. Le journal « Les Trois-Rivières » parle d’une température de 92 F pour le 18 mai 1932.


Il faudra attendre au 21 mai pour lire dans le journal « Le Quotidien » de Lévis : « Les feux sont pratiquement éteints ou sous contrôle à l’heure actuelle, aidés par la pluie dans plusieurs régions ». Le journal « L’Action catholique » de Québec publie lundi le 23 mai : « Les feux de forêt ont causé des dommages pour 1 000 000,00 $ en dix jours ».


Plus près de nous à Sainte-Louise et Saint-Aubert

Dans son édition du 19 mai 1932, le journal « Le Soleil » écrit : « Le village Saint-Joseph (aujourd’hui rang Saint-Joseph) près de Sainte-Louise, est menacé par les flammes et une cinquantaine d’hommes luttent depuis hier pour épargner les maisons et les dépendances de ce petit village. Plusieurs fermes sont en danger. On espère que le vent va cesser pour permettre de placer l’incendie sous contrôle. Le feu s’est aussi déclaré à Saint-Aubert dans un bois situé à proximité de la maison de M. Marc Fortin. M. le curé Chénard s’est mis à la tête d’une cinquantaine d’hommes et l’on a réussi à contrôler l’incendie après qu’il eût ravagé une superficie d’un mille carré près de la maison Fortin. La grange de M. Fortin a été endommagée par le feu ».


L’origine du feu aurait été la même que celle de la majorité des feux de forêts de l’époque, soit un feu d’abattis mal contrôlé.


Dans un écrit gardé par sa fille Colette, Thérèse Picard à Alfred, alors âgée de treize ans, et qui demeurait au village de Saint-Aubert, relate quelques souvenirs dont l’événement du feu de 1932 : « En pleine classe, les Sœurs font descendre les élèves à la chapelle pour prier, à la demande du curé Chénard, pour arrêter le feu… le feu dans la montagne du côté nord de la route, au coin de la route qui descend à Saint-Jean et vers Sainte-Louise. Les Fortin sortent les meubles. Le curé contourne le feu et met des médailles. Le feu arrête, monte droit et se rabat sur lui-même ». De tradition orale, on retient que les Gaudreault et les Robichaud n’avaient pas été au feu, occupés à sortir les meubles de leur maison, les animaux et les instruments des bâtiments, par prévention. De même, Jeannine Fortin, petite-fille de Marc Fortin, soutient, de tradition orale, que « le curé Chénard avait accroché un crucifix contre la porte de la maison en guise de protection ».


Des incontournables de l’histoire

Une sécheresse et une chaleur anormale appuyées par de forts vents ont favorisé la catastrophe de mai 1932. Au Québec, du point de vue sécheresse, il faut remonter à 2005 pour enregistrer une année aussi sèche que 1932. En terme de pluie, le mois de mai 1932 est le troisième plus faible total en 90 ans d’observation. L’année 1932 aura détruit 1 027 000 âcres. L’année 1923 est aussi inscrite dans les annales du Québec avec ses 1 214 000 âcres brûlés de même que la désastreuse année 1941 avec 1 590 000 âcres incendiés. 


Les feux de forêt sont une force de la nature qui peut être aussi impossible à prévenir et aussi difficile à contrôler que les ouragans, les tornades et les inondations. Ils peuvent faire des ravages, menacer des vies, des maisons, des communautés. Le Québec, légendaire pays de l’hiver, du froid et de l’eau, est aussi le pays de l’été, des forêts et des feux… Les feux de forêt deviennent alors des incontournables de l’histoire.


Citations et bibliographie

Ministère de l’Environnement du Québec (SOPFEU)

BANQ (revues et journaux québécois numérisés)

Ressources naturelles Canada

Colette Robichaud et Jeannine Fortin.



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