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Les petites poésies
par Journal L'Attisée le 2023-08-10


Il y a de grandes poésies, les Miron, Joséphine Bacon ou Félix au Tour de l’Île… Pour rencontrer cette richesse, on doit aller au-devant d’elles, les sortir des livres, des chansons, de la parole de ces faiseurs de beauté. Cette poésie nous transporte, nous élève, nous nourrit. Elle fait vibrer les peuples, les rassemble autour de mots qui, tout innocents soient-ils, savent creuser profondément au fond d’un cœur ouvert.

Mais il y a aussi les petites poésies. Celles que l’on côtoie tous les jours. Celles-ci se cachent derrière l’inattendu, le cadeau du présent. Elle est plus difficile à reconnaître pour qui n’a pas un cœur bien ouvert, mais surtout, une âme enfantine et légère pour voir, recueillir, ressentir ces subtils trésors offerts gratuitement.

L’autre jour, je promenais une grande dame, en perte de repères, la berçant doucement au son de sa musique préférée, dans des chemins peu fréquentés, peu habités, vieux mais neufs de liberté, d’être ainsi laissés à eux-mêmes. Et je regardais ces abords de chemin remplis de fleurs souriantes de toutes les couleurs, amoncellement de diversité, tourbillon de variété, sans dessus-dessous, sans planification, bric-à-brac au gré du vent. Mais combien beaux. Beaux d’authenticité. L’humain fait de belles et grandes choses. Il sait classer, organiser, lisser pour rendre tout frais et repassé. Une beauté non moins agréable mais… prévisible peut-être, presque monotone j’ai envie de dire. La nature est faite de beauté. Lorsqu’on la laisse aller, elle sait faire… si on sait regarder avec l’œil du poète. Que l’on a tous. Et cette vue nous fait sourire, nous ravive le cœur et l’âme.

Les petites poésies sont partout. Non planifiées, non choisies… Une vieille grange tombant en ruine, abritant un nid d’hirondelle, bordée de vieux lilas qui dansent au vent, hauts de tant d’années accumulées ; le sourire édenté d’un visage ridé et tanné par la vie ; le petit pissenlit qui pousse obstinément au travers de l’asphalte ; les étonnantes boules de semences de la bardane qui s’accrochent au museau du chien curieux.

Prendre le temps de réciter des poèmes est une musique à grande échelle, une symphonie d’Amour offerte à l’Univers. Saisir le réel dans toute sa beauté naturelle est une poésie sans pareille, un affront à cette laideur qui caractérise les productions de masse. C’est un antidote aux maux d’une société qui ne sera jamais parfaite. C’est un voile, une cape d’invisibilité qui nous protège contre un monde dur et inévitable. Ce jour-là, je ressentais la paix de cette dame qui, une heure plus tôt pleurait de désespoir. Pour un moment, la poésie qui l’entourait, simple et facilement accessible à son âme ouverte, à vif, a pu alléger une souffrance que l’humain ne sait pas encore guérir. Et moi je sus voir toute la poésie de ce moment magnifique, voir, magique…

P.S. pour ceux et celles qui voudraient se plonger dans ce délicieux concept de petite poésie, je vous invite à lire l’excellent recueil de Véronique Côté, La vie habitable : poésie en tant que combustible et désobéissances nécessaires.

Force tranquille et livide
Pur présent de l’esprit
Critique l’effet poétique
De la vision libre.



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