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Sur mon épaule
par Journal L'Attisée le 2023-09-09


Il y eut, cet été, un de ces moments uniques provoqué par un artiste ; un événement qui traversera les années, qui, par sa puissance et son bagage d’émotions fortes aura atteint profondément une partie du Québec. La maladie du chanteur des Cowboys Fringants n’aura pas eu raison de l’extraordinaire énergie de ce groupe, qui a offert une soirée mémorable à une foule jamais vue sur les Plaines d’Abraham, lors du Festival d’été de Québec. Nous avons beaucoup d’excellents artistes au Québec, pourquoi cette soirée fut-elle si spéciale ? Si l’on accepte l’idée que les artistes, que l’on a mis dans la gang des non-essentiels pendant la pandémie, soient des vecteurs d’émotions, on comprendra qu’ajouté à cette puissance de l’Art le cancer du chanteur adoré par une large population, le cocktail émotif ait pu être à son paroxysme.

Combien de gens le moindrement sensibles se sont déplacés sur les Plaines ce soir-là, beaucoup plus que pour la musique, mais aussi pour ressentir, vivre ce courage par procuration, ces larmes, ces vagues vécues non pas par une seule personne mais par une foule ? Car si forts ou hermétiques prétendons-nous être, nos vies sont remplies d’émotions, trop souvent mal vécues, par manque de connaissance, d’exemples sociaux ou d’écoute de soi-même, tout simplement. Ces colères, joies ou peurs s’accumulent au fond de nous sans que nous ne sachions comment les déloger, jusqu’à prendre toute la place, barrer le dos, développer de l’anxiété ou nous empêcher de dormir. Une bonne rigolade entre amis fait un bon travail. Danser, chanter, crier… Mais soyons honnêtes. Y a-t-il vraiment tant d’occasions où l’on puisse s’exprimer, se laisser aller franchement ? Sans déranger le voisin, se faire regarder bizarrement ou perdre sa dignité ? Avons-nous facilement accès à un psychologue ou intervenant quelconque pour soutenir notre santé mentale ? La réponse est non. L’art véhicule l’émotion. Et nous supporte dans notre vécu terrestre. Pensons à toutes les fois où nous avons écouté une toune par nostalgie ou pour nous défouler, ou regardé un film pour expier une agressivité dont nous ne savions qu’en faire.

Le chanteur, ce soir-là, dans toute sa fragilité, a permis à toutes les émotions non-vécues de ces milliers de gens de s’exprimer. Combien de gens ont pleuré à un moment ou un autre pendant le spectacle, et combien d’autres ont eu envie d’embrasser leurs voisins devant le refus de cet artiste de se laisser aller devant l’adversité ? C’était un tsunami d’Amour pouvant récurer, pour un moment, les bas-fonds intérieurs de n’importe qui… L’humain trouve toujours le moyen de compenser, détourner, déjouer ses propres émotions. À 90 000 personnes, ce fut comme un électro-choc, comme une Grand-Messe où on laisse à Karl le soin de soutenir nos propres émotions. Je ne sais pas si on doit s’inquiéter d’avoir besoin d’autant d’intensité et surtout de ne pas pouvoir le faire par nous-même, mais c’est bien la preuve que l’humain saura toujours rééquilibrer, harmoniser, s’attacher avec de la broche pour poursuivre obstinément son chemin rempli d’émotions, qu’il le veuille ou pas…

Une chose est certaine, on doit avoir beaucoup de gratitude envers ces artistes de tout acabit d’accepter ce rôle souvent bien lourd, de porter pour nous une partie de nos sensibilités… Non, ce n’est pas un travail facile. Mais oui, combien essentiel…

Elle touche le Soleil,
Le taquine et le réveille
Du bout des doigts le fait danser
Quelle beauté !
Elle sautille d’amour
Dans ses bras et tout autour

C’est une possession
Une explosion d’humanité
Dans un plein d’authenticité

Elle le fait rouler,
hypnotisée
Par la noblesse de cet astre,
Qui sans contraste,
Reste souverain,
Répondant c’est certain
Au souvenir divin
De son regard d’éternité.



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Isabelle  Paradis  Sur mon épaule  
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