Rien de moins que la vie
par Journal L'Attisée le 2023-10-07
J’ai eu, dans une vie lointaine, une ferme maraîchère. C’était presqu’au début de l’apparition des fermiers de famille, de ce temps où la ferme tentait de se rapprocher des gens après des années à grandir et grossir, pour provoquer subrepticement l’éloignement du consommateur. Ce modèle des petites fermes paysannes que nous retrouvons heureusement encore aujourd’hui. Quel beau métier ! Quelles belles années avons-nous vécues. Nos choix de vie nous ont amené ailleurs et parfois, j’ai le regret de cette terre labourée, dorlotée et tant aimée. Bien sûr que les jardins de fleurs ou petits potagers ont compensé tant bien que mal, mais le partage entre le métier et la terre, entre les éléments et la subsistance, entre les quatre saisons et le repos, mais surtout entre le producteur et le gourmand reconnaissant, tout cela est irremplaçable.
Dernièrement, je suis allée aider sur la Ferme des Pensées Sauvages. Je regardais ces acharnés artisans de vie se donner sans compter, avec foi et courage. Je dis sans compter car s’il fallait que les agriculteurs comptent leur temps comme un autre emploi, ils n’arriveraient pas financièrement. Ceux qui n’ont jamais vécu l’agriculture ne peuvent imaginer tout ce que demande le travail de la terre. Même et surtout à petite échelle. Mais un élan, un tel amour se dégageait de leurs gestes, je ne peux m’empêcher de penser que lorsque je mange leurs légumes, c’est beaucoup plus que des fibres ou vitamines que je déguste. Cette incroyable énergie, cette volonté d’offrir le mieux à la terre et à la communauté, cette mission bien intégrée de nourrir la population m’alimente autant que le reste.
Comme trop de métiers présentement, les agriculteurs sont largement sous-estimés pour ce qu’ils nous fournissent. Ils ne nous donnent rien de moins que la vie. La base. Celle qui nous permet la santé, la subsistance. Je les salue chaleureusement, et au nom d’une collectivité qui tend peut-être à les oublier, je les remercie encore et encore.
Je ne peux décrire le bien que me fit cette après-midi à toucher la terre de mes mains, sous le soleil scintillant et le sourire entrainant de Catherine, ou cet autre à bichonner l’ail en jasant avec des passionnées et pionnières de ces métiers de la terre. Je le dis sans sourciller, tout le monde devrait impérieusement aller travailler bénévolement quelques heures par mois sur une ferme à dimension humaine. Pour le contact avec la terre et les animaux, pour diminuer le poids de ce que porte ces vaillants nourrisseurs, pour que la communauté travaille ensemble vers des objectifs communs, pour redonner ses lettres de noblesse à ces professions. Merci de garder l’amour et la passion envers et contre tout, à tous les agriculteurs et agricultrices de nos villages.
Forces inexploitées
Aux sens soulevés
Par la peine accordée
Du sang inavoué.