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La danse de la pluie
par Journal L'Attisée le 2024-07-22

PAR ISABELLE PARADIS

Ce matin, j’étais d’un enthousiasme débordant et presque dérangeant de voir tomber la pluie. La vraie belle pluie, fine, douce et constante. Je pensais à mes petites pousses disséminées partout dans mes plates-bandes, au jardin de mon voisin, qui dépense tant d’énergie, tous les matins, à brasser ce gigantesque trésor au son de sa musique, ou à Catherine et sa ferme qui dépendent largement de cet or bleu. J’avais beau arroser mes petites plantes, je voyais bien l’essoufflement des plus grandes qui n’avaient pas cette chance. Dame nature ne nous a pas servi beaucoup de ce breuvage les dernières semaines. Facile d’imaginer les jardins qui n’ont pas accès à l’eau, aux Êtres, nombreux, vivant dans ou autour des mares, des petits ruisseaux ou des marais pratiquement asséchés. Je ne peux m’empêcher de penser à ces petits oiseaux — où peuvent-ils bien s’abreuver, combien de kilomètres à parcourir devant une nature aride?? Nous ne faisons pas face à de grande sécheresse, j’en conviens (au moment où j’écris ce texte, la vallée de l’Okanagan a fort probablement perdu ses productions de raisins… Et je ne nomme qu’eux). Mais le phénomène du réchauffement et du changement de température est bien réel.

Et donc, lorsque je vois cette eau devenue si rare accepter de venir nous visiter, je ne suis pas loin de faire une danse de la gratitude, excitée et jouant dans l’eau comme le ferait un petit enfant. Une reconnaissance sans fin qui vient du cœur. Je saisis aujourd’hui la chance d’être entourée d’un certain équilibre écologique, et surtout que tout ça reste bien fragile…

… Même qu’il serait facile de se sentir dépassé par la situation, de penser que l’on n’a pas de pouvoir sur tout ça — c’est vrai qu’il est bien mince. Mais pour ma part, je crois qu’il est d’autant plus important d’utiliser ceux que l’on a, si petits soient-ils. Recycler et composter en sont des exemples. Il y a trente ans déjà, j’essayais de convaincre un ami de recycler, alors que nous étions au tout début de l’expérience. Non converti, il avait cependant convenu qu’un jour «?la terre serait une poubelle?». Comme une fatalité. Étant persuadé que nous ne pouvions rien y faire. Il m’était apparu alors qu’il devait être bien triste de vivre avec ce sentiment d’impuissance. Et je le pense encore. Lorsqu’il n’y a plus d’espoir, que reste-t-il?? Faire quelque chose, c’est déjà jeter un sort à la fatalité?? Non?? C’est ouvrir les portes à la chance, au changement, au mieux-être??   Il faut commencer quelque part. Tous ensemble. L’union fait la force. Nous devons collectivement embrayer le tourbillon qui entraînera les changements. Comme pour le compost aujourd’hui. 

Je ne fais pas la morale. Je crie pour la planète. Je danse, je prie, j’espère pour tous ceux qui ne reconnaissent pas l’urgence, qui n’entendent pas le cri des grenouilles en manque d’humidité, des chauves-souris en manque de maringouins, des baleines en manque de silence pour s’entendre bouger… Et aussi pour mon âme d’enfant qui peut si rarement, désormais, écouter la pluie tant aimée…

Cet après-midi, je regarde encore tomber la pluie… Et je compte avidement les centimètres, espérant que l’eau entre assez profondément pour nourrir les racines assoiffées. Mais j’avoue que l’ampleur de mon sentiment de ce matin m’a surprise. Elle a toujours été là. La joie de voir tomber la pluie. Mais c’était alors une joie habituelle, faisant partie de mon quotidien.   Lorsque quarante ans plus tard, on peut presque dire que c’est devenu une exception. Une joie devenue rare. Alors je comprends que ce sentiment exacerbé réveille en moi l’importance de continuer à faire tout ce que je peux. À mon échelle, avec Espoir et Foi.

L’abîme du ciel tombe aux rochers,

Gronde sous le vent de septembre

Et balance les feuilles de tremble,

Jusqu’au cœur de mes croyances.

Le doute de l’existence chevauche

L’enfance et la félicité

qui glisse sur les gouttes de rosée.

Devant la puissance des éléments

Je soulève mon arrogance

Pour montrer patte blanche

Ce n’est pas tous les jours dimanche




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Isabelle Paradis  
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