PAR MARIE-CHRISTYNE ÉLIE

Je suis arrivée à Saint-Jean-Port-Joli au printemps. Avec les bourgeons. Une personne qui a parlé à une personne qui a parlé à une personne qui a parlé à une personne… Environ quinze fois comme ça. Des gens bienveillants du village m’ont aidée à me trouver un appartement. Je n’étais pas encore arrivée que je me sentais déjà accueillie.

Je viens de Montréal. Là où on barre ses portes. En tout temps. Puis on ferme les rideaux. Pour ne pas se faire voir de nos voisins; pour ne pas les voir. Là où, pour avoir accès à un parc, il faut prendre un métro bondé. (Finalement, le parc aussi est bondé). Là où mille personnes convoitent une opportunité. Comprendre qu’il faut performer, se démarquer, se battre pour l’obtenir. Là où les gens qui te parlent dans la rue veulent quelque chose de toi. Toujours la même chose. Je vous laisse deviner. Il y a deux options.

Je ne vous parlerai pas des bons côtés de mon ex, ma belle Montréal. Ça affaiblirait l’effet de contraste que je cherche à créer. J’ai un profond sentiment d’appartenance envers cette ville qui m’a vu naitre. Mais c’est un amour impossible. On s’aime, mais on n’est pas compatibles. Alors, je suis allée voir ailleurs. Question : Si là-bas c’est « Les hauts », c’est où « Les bas » ?

Je trouve rassurant qu’il y ait des magasins fermés le dimanche. Tout le monde se repose en même temps. On dort mieux, non ? Quand on sait que tout le village dort ? Il n’y a rien qui presse, on ira à la pharmacie demain. À la bibliothèque, il y a de la musique, alors qu’en ville c’est le seul endroit silencieux. Aller travailler à pied le matin et croiser plus d’oiseaux que de voitures. Ici, je laisse entrer la lumière; j’envoie la main à ma voisine.

Quand j’habitais en ville, je n’avais jamais assez de plantes. À présent, je n’ai qu’à sortir dehors. Mon obsession s’est calmée. Je n’ai plus besoin de me créer une forêt à l’intérieur.  Pourtant, je sens fleurir quelque chose à l’intérieur de moi.