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La petite sœur (c’était en avril, il y a 60 ans)
par Journal L'Attisée le 2024-04-19


Depuis quelques jours, nous sommes hébergées par oncle Pat et tante Marie, à un jet de pierre de l’école. Lorraine est en première année, moi en cinquième ; tante Marie, quant à elle, enseigne en deuxième année, Lorraine sera dans sa classe l’an prochain. C’est donc toutes trois ensemble que nous cheminons vers l’école matin et midi. En fin d’après-midi j’en reviens toutefois seule puisque les grandes classes finissent leur journée plus tard que les petites.

Ce jour-là, au dîner, nous recevons un appel de papa. Il nous enjoint de rentrer à la maison après l’école : cet après-midi maman sort de l’hôpital avec notre petite sœur toute neuve. Comme nous n’avons pas d’auto, oncle Jean, toujours serviable, ira les y chercher avec papa. L’avons-nous désirée cette petite! Bien éparpillés dans la fratrie devant, entre et après nous, cinq garçons constituent à nos yeux une écrasante, voire indécente, majorité. Il y a deux ans (l’échographie n’existe pas encore pour révéler le sexe de l’enfant à venir), nous avons versé bien des larmes de déception lors de la naissance de Martin, le cinquième de ces larrons. C’est donc avec un enthousiasme légitime que nous accueillons Hélène comme recrue dans la brigade féminine familiale. Nous trépignons d’impatience en nous disant que cet après-midi de classe nous paraîtra bien long !

À la récréation, alors que je joue près de la clôture longeant la rue, je vois une voiture ralentir, puis s’arrêter : celle d’oncle Jean. Heureux hasard : en route pour aller présenter la nouveau-née à nos grands-parents, papa m’a repérée au milieu des gamines dans la cour d’école. Il descend de l’auto, la petite dans les bras, et s’approche de la clôture afin de me la faire voir. Imaginez mon excitation de découvrir le minois d’Hélène et de raconter l’événement à ma maîtresse après la récréation. C’est les yeux constamment tournés vers l’horloge de la classe que j’accomplis les dernières tâches de l’après-midi.

Enfin, la cloche annonce la fin de la journée et c’est en courant que je me dirige chez moi, tout excitée à l’idée de revoir maman et de pouvoir prendre ma petite sœur dans mes bras, de la voir sous toutes ses coutures. Lorraine y est évidemment déjà arrivée. Toute fière, elle m’accueille en claironnant : « J’ai vu Hélène avant toi ! -Mais non lui dis-je, papa me l’a montrée dans la cour d’école ». Pauvre Lorraine, je crois qu’elle l’a encore sur le cœur.



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Rache  Grou  petite soeur  
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